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Mr. Xavier Giuavarc’hAvant d’aborder le propos qui nous concerne, ce matin, je tiens à remercier les responsables à l’initiative de cette conférence et en particulier à saluer mon ami Patrick JOUAN qui m’a contacté pour que je fasse part de mes expériences dans le cadre de ma fonction d’enseignant et de responsable d’associations en matière d’apprentissage à la citoyenneté globale au travers de l’éducation informelle et de l’éducation aux valeurs.

Mr. Xavier Giuavarc’hM. Xavier Guiavarc’h, Président du FORUM de Ploudaniel www.forum-ploudaniel.net,

Vice-Président d’AMB (Amitié Madagascar Bretagne) et de BCBH (Bretagne Coopération Bretagne Humanitaire)

Thème : Expériences d’autonomisation des jeunes par l’éducation informelle

- Excellence,

- Madame La Présidente,

- Mesdames, Messieurs

Avant d’aborder le propos qui nous concerne, ce matin, je tiens à remercier les responsables à l’initiative de cette conférence et en particulier à saluer mon ami Patrick JOUAN qui m’a contacté pour que je fasse part de mes expériences dans le cadre de ma fonction d’enseignant et de responsable d’associations en matière d’apprentissage à la citoyenneté globale au travers de l’éducation informelle et de l’éducation aux valeurs.

Dans un premier temps, je vais vous présenter très rapidement le cadre institutionnel dans lequel j’évolue et vous retracer en quelques mots mon parcours personnel.

L’Union Nationale des Maisons familiales est l’une des trois familles qui composent l’enseignement agricole qui, je le rappelle, est placé sous l’égide du Ministère de l’Agriculture et non pas sous celui  de l’Education Nationale. Cette particularité n’est pas sans importance quant aux missions qui nous sont confiées. Je pense notamment à l’ouverture sur le monde, aux échanges et à toute la problématique du développement.

Notre institution est construite sur la base d’associations, la Maison Familiale de Plabennec-Ploudaniel en est une, fédérée au niveau départemental et régional et représentée au niveau national. Il me paraît intéressant de dire ici qu’il existe également une structure internationale qui explique la présence des Maisons Familiales sur l’ensemble des continents. Le concept pédagogique, basé sur l’alternance entre des séjours en centre de formation et des séjours en milieu professionnel, s’avère d’ailleurs comme un excellent outil de développement.

L’ensemble des élèves, de la 4ème à la licence professionnelle, alterne donc des séquences de formation générale et plus théoriques avec les réalités concrètes du terrain. A l’origine très agricole, aujourd’hui la formation en alternance touche de nombreux corps de métiers. Quelques Maisons se développent d’ailleurs en centre urbain ou du moins à leur périphérie par le biais de l’apprentissage avec le soutien des Régions.

La philosophie de notre enseignement repose sur des petites structures de 150 à 400 élèves avec une approche basée sur la réussite, d’où le slogan « réussir autrement ». La relation entre adultes et jeunes en formation s’établit sur une base qui associe le jeune, sa famille, les formateurs et le maitre de stage.

Pour que ce concept fonctionne, cela induit de l’engagement et de la motivation de part et d’autre. Il impose aussi une relation basée sur la confiance et sur la capacité de chacun de progresser. Trop souvent nos élèves, en particulier les collégiens, vivent dans le doute concernant leurs aptitudes, tant ils ont mal vécu leur scolarité préalable dans laquelle ils ne se sont pas imposés, voire de laquelle ils ont été exclus et pour certains depuis de nombreuses années. Au fond ces jeunes ne sont pas plus en échec que vous et moi, c’est le système tel qu’il existe qui est en échec vis-à-vis de leur singularité. A cet égard, je répète souvent à qui veut l’entendre : les élèves ne sont peut-être pas ce que l’on aimerait qu’ils soient, charge à nous de les accompagner pour qu’ils le deviennent pour peu que nos valeurs soient compatibles avec l’épanouissement des uns et des autres, dans le respect des différences mutuelles.

Voilà ce que nous essayons de mettre en œuvre au quotidien dans des conditions parfois difficiles, à l’image d’ailleurs de ce que nous vivons en ce début de siècle. Il est clair, et vous l’aurez compris, que le développement humain est au centre de nos préoccupations et que pour ma part le préalable d’un bon élève est un jeune heureux et considéré par les adultes qui l’accompagnent. Il ne s’agit pas seulement d’écouter les jeunes, il faut les entendre.

En ce qui me concerne, j’ai connu une scolarité chaotique puisque dès l’âge de 14 ans c’est le système scolaire classique qui n’a pas souhaité me retenir. Pour une fois, j’étais d’ailleurs assez d’accord avec lui !!

Ainsi  j’ai intégré le système par alternance en quatrième jusqu’au BEPA. Après quoi j’ai travaillé un an pour poursuivre mes études jusqu’au BAC par la voie de la promotion sociale. Très jeune j’ai débuté mon métier de formateur (20 ans) et ai poursuivi mes études parallèlement. Je les ai achevées par un cursus universitaire (sans être très présent, il faut le reconnaître !) Je dis souvent à mes élèves que je ne suis pas un exemple à suivre et que lorsqu’ils prennent les chemins de traverse, j’ai un avantage sur eux, c’est que ces chemins je les connais !

Au-delà de ce parcours, très jeune je me suis engagé dans le monde associatif. Abolitionniste de la première heure, la peine de mort prononcée par un tribunal censé rendre justice m’a toujours tourmenté. Des évènements comme l’invasion de l’Afghanistan en 1979 par les soviétiques, le mouvement Solidarnosc en Pologne en 1981, les folles de Mai en Argentine, la junte militaire au Chili, l’apartheid en Afrique du Sud, la famine en Somalie, le conflit Palestino-Israélien, la chute du mur de Berlin et bien sûr la guerre en Ex-Yougoslavie ont largement contribué à structurer ma conscience et nourrissent encore aujourd’hui ma réflexion.

Au-delà de mon éducation familiale basée sur les valeurs du travail et tournée vers les autres, ce sont au final ces évènements et en particulier le conflit en Ex-Yougoslavie qui m’ont conduit à associer les jeunes en les sensibilisant dans un premier temps et en devenant actif très rapidement. Nous avons organisé de nombreux convois humanitaires conséquents durant tout le conflit en Croatie et en Bosnie. Ceux-ci se sont poursuivis par l’organisation de voyages d’études sur quatre continents.

Le cumul des séjours passés, au Canada, en Croatie, en Roumanie, à Madagascar et au Vietnam me conduit à tenter de répondre à l'engagement et au partage de telles expériences. Pourquoi, à qui, à quoi cela sert-il ? Vingt sept ans d'enseignement à la Maison Familiale de Ploudaniel expliquent peut-être le besoin de me positionner sur de telles actions tournées vers les autres, vers ceux que l'on ne connaît pas, avec des objectifs parfois très différents, mais qui, chaque fois, exigent une mobilisation forte, une confiance mutuelle de tous et un sens évident de l'intérêt général. L'ambiance morose du moment en rajoute sans doute aussi un peu …

La profession que j'exerce depuis 1985, dans le cadre d'un système d'enseignement par alternance, repose sur le triptyque qui intègre l'élève dans son environnement, les maîtres de stage, et enfin, la Maison Familiale, centre de formation. Ce concept conduit indubitablement à s'intéresser aux autres et à les intégrer à la fonction. Ainsi, l'activité que je pratique, sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture, répond à des exigences liées à des programmes de formation sanctionnés par des diplômes officiels. Ils ouvrent la voie de capacités professionnelles qui débouchent concrètement sur des métiers et par conséquent sur un statut social. Ceci est mesurable au travers des résultats aux examens, aux taux d'insertion et dans notre famille d'enseignement, ils sont plutôt bons, comme dans les autres familles de l'enseignement agricole d'ailleurs. Néanmoins, est-ce suffisant ? Quelles sont les valeurs que nous transmettons ? Quels sont les citoyens que nous formons ? Comment transmettre la complexité du monde dans lequel nous vivons ? Comment faire passer le message que nous ne sommes pas seuls au monde ; que  de nos actes,  de nos systèmes de production ici,  découlent des conséquences parfois lourdes ailleurs ? Comment intégrer et respecter les différences chez nous et chez les autres ? « Cerise sur le gâteau », comment sensibiliser des jeunes, parfois hostiles à l'école, sous estimant très souvent leurs qualités intrinsèques, à savoir ce qu'ils sont capables de faire et souvent ce qu'ils font, à cette approche globale qui caractérise notre époque ? Parfois en délicatesse avec le système scolaire classique, il faut souvent biaiser pour les convaincre qu'ils ne sont pas seulement « des nuls » et que contrairement à ce qu'ils ont entendu et pour certains, plus grave encore, vécu, ils sont aussi capables de se prendre en charge, d'exprimer de la sensibilité, d'imaginer, de créer, d'exister en dehors d'une opposition systématique. En bref, d'être acteur de leur vie, de bâtir. L'ouverture sur le monde, les échanges, la problématique du développement, intègrent les missions de l'enseignement agricole  et facilitent par conséquent le champ d'expression des acteurs que nous sommes. Ceci contribue, à mon sens, à l'épanouissement des jeunes, dont nous avons la responsabilité. Cette opportunité nous est offerte, il faut, me semble-t-il, la valoriser au maximum, pour permettre aux jeunes de s'exprimer, de proposer, d'agir et d'acter ! Plus que jamais je suis convaincu que le regard que nous leur portons, ils nous le renvoient au travers de la confiance qu'ils nous accordent et au travers de leur adhésion à un projet commun.

La crise que traverse le monde interpelle le formateur quant aux perspectives qu'elle va ouvrir aux élèves. C'est le sens que je donne à l'évocation de l'ambiance morose qui nous entoure depuis déjà plusieurs mois. Le monde agricole n'est pas épargné, l'ensemble des productions la subit de plein fouet. Cette réalité que personne ne peut nier est propice à la réflexion. Nous sommes sans doute,  à un tournant déjà bien engagé dans certains secteurs.  Se dirige t- on vers des systèmes intégrant des capitaux extérieurs à la capacité d'investissement des structures et par conséquent soumis à ses actionnaires ? Ces derniers affichant ostensiblement leur objectif : « de l'argent au plus vite et le plus possible ».  Le secteur primaire de l'économie source de spéculations ? C'est nouveau! Et pourtant ce scénario que plusieurs n'imaginaient pas possible a déjà fait des ravages sur certaines filières et se profile sur d'autres. En effet, le monde de la finance que certains pensent « moralisé » lorgne d'un œil très intéressé et avisé sur la croissance démographique mondiale et sur la demande croissante de biens alimentaires qui en découle. Cette vision élude, bien entendu, la question fondamentale de ce que nous voulons en terme d'Agriculture, qui pour le coup confond qualité et uniformité, concentration et aménagement équilibré du territoire, sans bien sûr évoquer la place des femmes et des hommes, et encore moins leur épanouissement, dans cette noble fonction qui leur incombe : nourrir la population et gérer l'espace. Nous touchons ici aussi à un aspect essentiel de ce que sera le développement dans de nombreux pays du Sud.

Organiser, gérer, animer un groupe de jeunes en formation agricole dans un tel contexte déstabilise, faut-il continuer ou alors « Jeter l'éponge et courber l'échine » ? Se contenter d'être victime et adopter une attitude infantile serait sans doute plus facile.  Il n'en demeure pas moins, qu'ensemble, il est encore possible d'entreprendre, de nous surpasser, d'avoir des projets qui même s’ils semblent disproportionnés deviennent réalités. L'aboutissement suppose que les uns et les autres y mettent les moyens. La motivation exige pugnacité et respect des protagonistes. Je pense en particulier aux partenaires que sont les associations, telles que Amitié Madagascar Bretagne ou Bretagne Coopération Bretagne Humanitaire. Les relations engendrées avec ces deux structures dépassent leur objet. Le regard porté, la collaboration, l'échange conduisent de part et d'autre à une appréciation transgénérationnelle intéressante et souvent très riche. Ici aussi l'adhésion l'emporte sur l'opposition. Proposer de tels projets suppose pouvoir s'appuyer sur des structures institutionnelles, à commencer par l'établissement dans lequel je travaille ou des collectivités territoriales comme la Région ou le Département. Un autre aspect me paraît essentiel. Il concerne la confiance tissée en amont avec les parents des jeunes concernés. Là aussi l'adhésion l'emporte. Au-delà des aspects pécuniaires, même amenuisés par les actions collectives, l'investissement familial reste conséquent. Ce n'est sûrement pas le point essentiel. La confiance se mesure par l'enthousiasme  et l'association des familles à de telles expériences. Incontestablement, il émane un véritable sentiment de fierté, parfois de revanche, de constater la capacité de leur enfant à entreprendre une telle démarche et à aboutir aux objectifs fixés. Ceci est accentué lorsqu'elle est tournée vers les autres et qu'elle suppose engagement, partage et échange.

Quelques exemples de ce que nous avons vécu ensemble :

2000 :    Découverte de la civilisation des Amérindiens en Amérique du Nord.

2003 :    Découverte de la Slavonie en Croatie.

- Partage avec des jeunes Croates de nos expériences (une première en Croatie depuis la guerre) et du drame qu’a vécu la population de Vukovar, ville martyre de la guerre en EX-Yougoslavie.

- Rencontre avec les mères des disparus de Vukovar.

- Rencontre dans la banlieue de Zagreb avec des déplacés qui croupissent dans des baraques dignes des heures les plus sombres de notre histoire.

- Rencontre avec l’Ambassadeur de France à Zagreb.

- Réunion avec la Vice-Ministre chargée de l’intégration à l’Union Européenne.

2006 :    Découverte de la Roumanie. Projet d’action collective entre les deux établissements.

2007      Madagascar – Chantiers solidaires.

2009      Contribution à la construction de deux centres de formation en milieu rural et à la

2012      promotion de l’élevage sur la côte Est.

2008 :                    Découverte du Vietnam et actions de solidarité en faveur d’un centre d’aveugles sur Hô-Chi-Minh et d’un centre d’aide aux enfants victimes du Sida à Haiphong.

2012 :    Confrontation directe aux conséquences du cyclone Ivana dans le village dans lequel nous intervenons depuis 2004 – Plus de 80 % de la population sinistrée.

Au final et sans verser dans le prosélytisme et encore moins dans le misérabilisme, la première motivation qui m'anime concerne les jeunes avec qui je collabore. Les amener à se positionner sur leurs capacités, leurs valeurs, les accompagner, les encourager à bâtir, à concrétiser leurs projets, à organiser, à matérialiser, est le socle d'une telle démarche. L'individualisme qui caractérise notre époque n'est pas une fatalité. Je souhaite que la formation globale que nous proposons à nos élèves les amène à s'interroger sur cette fameuse question essentielle : « qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Qu'est-ce que je veux ?  Aller à la rencontre des autres conduit à se positionner sur nos valeurs individuelles et peut-être plus globalement sur un projet de société. Vaste programme … L'engagement envers les autres témoigne de l'intérêt que je porte à la société et à l'évolution du monde. Il s'agit à mes yeux d'une dimension essentielle de la vie d'un homme quel que soit le cadre dans lequel il évolue.

Mieux se connaître, mieux connaître les autres permet sans doute d'avoir moins peur de ce que l'on ne connaît pas et qui nourrit tant de maux de notre société.

A vous, les jeunes qui au travers de votre comportement, de votre capacité à mettre en œuvre, de votre bonheur d'être ensemble, de votre bonne humeur qui rend les choses simples et naturelles, de votre capacité à respecter une parole donnée, je vous dis : faites fructifier ce que nous avons vécu ensemble, vous en avez les moyens. C’est le temps qui bonifiera notre expérience.

Comme le disait un célèbre homme d’état : « Un homme se construit par ses actes et par ses actions » (F. M.).Enfin, n’oubliez jamais ce qu’a écrit Voltaire : « Les progrès de la raison sont lents, les racines des préjugés profondes ». Ainsi, au lieu de crier à la nuit, mieux vaut allumer une lumière.

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