Quelles leçons tirer de la crise sanitaire ? Les systèmes de sante et leur gestion sous les projecteurs.
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Nos nations se trouvent devant un défi d’une ampleur internationale, avec des conséquences inestimables dans plusieurs domaines. Encore en pleine crise sanitaire, nous voyons beaucoup de doigts pointés. Les décisions des gouvernements sont critiquées pour être trop rapides, ou trop lentes, mal informées, déséquilibrées en faveur de l’économie, de la santé des personnes âgées. De nombreux problèmes de santé non liés à la COVID sont mis à l’écart. Quelles leçons en tirer et quels modèles suivre ? Est-il possible d’améliorer les systèmes de santé, la gouvernance démocratique et le rôle de la recherche scientifique ?
Dr Allal Amraoui, Député, Médecin, Maroc
Toutes ces questions ont été soulevées lors du webinaire du 19.12.2020, organisé par la Fédération pour la Paix Universelle (FPU) et l’Association Internationale des Parlementaires pour la Paix (AIPP). En qualité de modérateur, Dr. Allal Amraoui, médecin et député (Maroc), a présenté les panélistes et guidé la conversation. M. Jean-Marie Bockel, sénateur (2004-2007, 2010-2020, France), en tant que Maire sortant de la ville de Mulhouse, ville la plus touchée par la pandémie en France lors de la première vague, a fait une synthèse de l’expérience vécue. Dr. Sonia Ben Cheikh, Ministre de la Santé Publique ((2019-2020, Tunisie) et virologue, a insisté à plusieurs reprises sur la prévention comme meilleure méthode pour résoudre la crise sanitaire. M. Emmanuel Dupuy, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe IPSE (France), a abordé la question de la coopération unilatérale comme solution à une crise de cette ampleur.
La santé étant un bien précieux non seulement au niveau individuel mais aussi collectif, le Dr. Amraoui a mis en évidence l’aspect international de la pandémie, la responsabilité de l’Etat de protéger la santé publique ainsi que la responsabilité individuelle pour la prévention.
M. Jean-Marie Bockel, Sénateur (2004-2007, 2010-2020), France
Le premier orateur, M. Bockel, a expliqué qu’en mars 2020, Mulhouse était le premier cluster, avec installation d’un hôpital militaire. Ils étaient au cœur du dispositif, confrontés au problème de saturation des urgences, des moyens, du respiratoire et dépourvus de masques. Ils ont également été les premiers à faire appel à la solidarité des hôpitaux voisins ou plus éloignés, en France, en Suisse et en Allemagne. Au sein de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat dont il était membre, a été examiné le fonctionnement des pays voisins, la Suisse et l’Allemagne, des États fédéraux. Ils en ont conclu que, pour bien fonctionner en temps de crise, un pays comme la France devrait se décentraliser davantage. De plus, comme le fonctionnement des différentes administrations est relativement étanche, ils ont fait la proposition, dont M. Bockel était un des co-rapporteurs, qu’en temps de crise grave, les préfets des départements pilotent l’ensemble des acteurs publics. En conclusion, la Ministre des territoires, à la demande du gouvernement, a proposé il y a quelques jours une nouvelle étape de la décentralisation qui prend en compte une partie de ces propositions.
Le modérateur a mentionné que les systèmes de santé se sont effondrés pour les pays riches comme pour les plus pauvres, et il rappelé qu’il s’agit d’apprendre de nos expériences durant cette pandémie pour mieux se préparer à l’éventualité d’une autre crise et protéger les ménages, les catégories les plus vulnérables.
Dr Sonia Ben Cheikh, Ministre de la Santé publique (2019-2020), Tunisie
A ces questions, Dr. Sonia Ben Cheikh a partagé son expérience, depuis octobre 2019, alors qu’elle était ministre de la santé dans son pays, jusqu’en mars 2020. Elle a mis l’accent sur la meilleure solution à la pandémie qu’est la prévention : port du masque, hygiène des mains, aération des maisons, distanciation sociale, même si les vaccins sont disponibles. La Tunisie (ainsi que le Maroc) possède une base très bien développée, des dispensaires étendus sur tout le territoire en mesure d’enrayer les maladies infectieuses les plus communes. En deuxième ligne viennent les hôpitaux, mais avec la COVID-19 tout le système a été décalé vers la troisième ligne de soins, les centres hospitaliers universitaires (CHU). La première vague de l’épidémie n’a pratiquement pas touché la Tunisie, mais depuis la fin de l’été, il y a eu plus de 4.000 décès. En conclusion, Dr. Ben Cheikh a dit que la Tunisie avait besoin de décentraliser les systèmes de soins et de se concentrer sur les systèmes locaux et la médecine préventive.
« Ensemble nous pourrons vaincre ce virus » ! C’est avec les paroles du secrétaire général de l’ONU, que le Dr. Amraoui a parlé de l’importance de la solidarité et de l’action coordonnée de la famille humaine, au-delà des clivages existants. Il s’est demandé si cette crise n’est pas le résultat d’une mondialisation mal gérée.
M. Emmanuel Dupuy, Président, l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), France
Selon le dernier orateur, M. Dupuy, le continent africain, avec une population jeune et seulement 3% de plus de 70 ans, a été peu touché par la pandémie. Il a développé 4 leçons à apprendre. Premièrement, les investissements dans le domaine des infrastructures ne sont pas suffisants ; deuxièmement, la question sanitaire a un impact très important sur les familles qui ont des difficultés économiques en raison de la diminution des salaires et du chômage ; troisièmement, il faut repenser les politiques et la gouvernance sanitaire en dédiant une partie plus importante du PNB au développement de l’agriculture et à celui des entreprises tout en surmontant la dette et combattant l’évasion fiscale ; quatrièmement, il faut encourager le partenariat entre les pays au sud et les pays au nord de la Méditerranée. En outre, il a parlé de la nécessité de résoudre les problèmes de l’environnement pour contribuer à la résilience des systèmes de santé et, finalement, il a préconisé la régionalisation de l’OMS afin d’améliorer sa gouvernance mondiale et son efficacité locale.
Les questions des auditeurs ont abordé les méthodes naturelles et préventives, le rôle de l’OMS et son efficacité, la disponibilité des médicaments et des vaccins pour tous. De nombreuses solutions ont été évoquées comme la lutte contre l’individualisme forcené et le retour à un sens de communauté, une bonne politique qui se préoccupe de la prévention et aussi de santé mentale. Il a été recommandé que les pays du Maghreb coopèrent et partagent leur expérience avec le reste du continent africain et que l’OMS se régionalise afin de diminuer ses coûts administratifs et être plus effective. Finalement, il est clair que chacun de nous est appelé à devenir responsable et à se préparer à une autre crise éventuelle.
M. Jacques Marion, coprésident, FPU Europe & Moyen-Orient, France
Pour conclure la conférence, M. Jacques Marion, président du chapitre de la FPU Europe, Moyen Orient et Afrique du Nord, a présenté l’AIPP, fondée en Corée en 2016, et inaugurée dans de nombreux pays dont le Maroc, à Rabat en novembre 2018. Depuis des années, la FPU s’efforce de favoriser le dialogue et la réconciliation dans les régions où la paix est menacée. Il a mentionné le programme des activités pour l’année 2021 principalement dédié aux perspectives de paix sur la péninsule coréenne ainsi qu’au Moyen-Orient et à des conférences Afrique – Europe - Moyen-Orient pour collaborer à la paix et au développement dans la région.
(Chantal Chételat Komagata, coordinateur de la FPU pour l'Europe, et Alan et Brigitte Sillitoe du Département de Communications pour la FPU Europe et Moyen-Orient ont contribué à ce rapport.)